C’étaient Wamytan, Goa, Néaoutyine, Mapou, Tutugoro et Uregei. Ils devaient être dans un congrès. Ils parlaient à à la radio. Ils disaient que leur succès au référendum ne faisait aucun doute pour eux, que la balance en leur faveur était à plus de 60% mais que cette victoire serait mauvaise, qu’elle humilierait les perdants attachés à la République. Ils ne voulaient pas de ce référendum couperet, il était inutile et dangereux, soutenant qu’ils ne voulaient pas écraser et humilier leurs partenaires loyalistes. Wamytan répétait qu’il ne fallait pas rallumer des rancœurs et des troubles chez les perdants fidèles à la France. Tutugoro ajoutait qu’il y avait beaucoup plus de convergences que de divergences entre les indépendantistes et les loyalistes. Néaoutyine renchérissait en insistant sur les plus de 90% de points communs qu’il partageait avec les non indépendantistes et assurait qu’il ne souhaitait pas acculer l’adversaire à la défaite. Kotra Uregei complétait leurs paroles en énumérant toutes les valeurs humanistes occidentales et tous les éléments culturels de France qui étaient aussi les siens, qui devaient constituer le patrimoine commun et le vivre ensemble des Calédoniens et qu’il souhaitait faire entrer dans la Charte du pays pour un avenir partagé harmonieux.
Daniel Goa allait dire aussi quelque chose mais… je me suis réveillé !
***
Ce rêve étant quand même étrange et Freud nous ayant appris que les songes nous transmettaient des messages issus de notre inconscient, j’ai consulté un psy. Celui-ci, après m’avoir pris 20 000 francs la demi-heure, oui on paye avant, comme au boxon, m’a regardé sévèrement et m’a révélé que je devais quelque part reprocher aux loyalistes de faire toutes les concessions qu’ils accordaient constamment aux indépendantistes et reprocher aux indépendantistes de ne jamais en faire la moindre, de concession, et de ne jamais se mettre à la place des loyalistes, eux.
Il ajouta que cette dérive psychologique pouvait être grave, que cela pouvait déboucher sur une paranoïa sévère mais que cela resterait entre nous si j’entamais une analyse à son cabinet au tarif forfaitaire de deux millions cinq, réglable en trois fois.
En effet, imaginer, même en rêve, que des Kanak et leurs représentants devaient avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres Calédoniens était fort inquiétant et constituait le début d’un dérèglement mental grave. Il m’indiqua, pour attester ses compétences et ses références, une liste impressionnante de noms de personnalités politiques connues, prises également de doutes comparables aux miens à un moment donné, et puis libérées de leurs inquiétudes et revenues à l’équilibre et à l’harmonie après une série de séances avec lui. Elles étaient même redevenues ensuite, disait-il, tout à fait aptes à reprendre des activités politiques de premier plan dans leurs partis politiques loyalistes respectifs.
Pour échapper à ces angoisses, je sortais mon chéquier et mon stylo quand… mon réveil matin a sonné !